Le fossé entre pays riches et pays pauvres : Différence entre versions
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De nombreux intellectuels et activistes questionnent la prédominance de l’indicateur PIB pour calculer la pauvreté et la richesse des pays et des individus (PIB par habitant). Dans une entrevue accordée au journal le Monde 2009, Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998 et qui a toujours défendu, bien avant la crise mondiale, le « rôle de l’État contre la vague libérale », affirme qu’il faut développer d’autres outils que le PIB afin de guider les gouvernements dans leurs décisions politiques et économiques : «Le PIB est très limité. Utilisé seul, c'est un désastre. Les indicateurs de production ou de consommation de marchandises ne disent pas grand-chose de la liberté et du bien-être, qui dépendent de l'organisation de la société, de la distribution des revenus. Cela dit, aucun chiffre simple ne peut suffire. Nous aurons besoin de plusieurs indicateurs, parmi lesquels un PIB redéfini aura son rôle à jouer. » | De nombreux intellectuels et activistes questionnent la prédominance de l’indicateur PIB pour calculer la pauvreté et la richesse des pays et des individus (PIB par habitant). Dans une entrevue accordée au journal le Monde 2009, Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998 et qui a toujours défendu, bien avant la crise mondiale, le « rôle de l’État contre la vague libérale », affirme qu’il faut développer d’autres outils que le PIB afin de guider les gouvernements dans leurs décisions politiques et économiques : «Le PIB est très limité. Utilisé seul, c'est un désastre. Les indicateurs de production ou de consommation de marchandises ne disent pas grand-chose de la liberté et du bien-être, qui dépendent de l'organisation de la société, de la distribution des revenus. Cela dit, aucun chiffre simple ne peut suffire. Nous aurons besoin de plusieurs indicateurs, parmi lesquels un PIB redéfini aura son rôle à jouer. » | ||
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Le document de l’IRIS (Institut de recherches et d’interventions socio-économiques) intitulé : Mesurer le progrès social : vers des alternatives au PIB, évoque un autre concept, celui de l’indice de progrès véritable (IPV) qui consiste à « ajouter au PIB la valeur marchande de certaines activités non captées par le PIB mais qui contribuent tout de même au bien-être, telles le bénévolat et le travail domestique, et en soustrayant du total le coût des conséquences négatives des activités économiques, comme l’épuisement des ressources naturelles, la dégradation des écosystèmes et les coûts sociaux du chômage ». Une autre option serait l’indice « vivre mieux » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cet indice « regroupe 11 aspects du bien-être : le logement, le revenu, les emplois, la communauté, l’éducation, l’environnement, la gouvernance, la santé, la satisfaction face à la vie, la sécurité et la conciliation travail famille ». | Le document de l’IRIS (Institut de recherches et d’interventions socio-économiques) intitulé : Mesurer le progrès social : vers des alternatives au PIB, évoque un autre concept, celui de l’indice de progrès véritable (IPV) qui consiste à « ajouter au PIB la valeur marchande de certaines activités non captées par le PIB mais qui contribuent tout de même au bien-être, telles le bénévolat et le travail domestique, et en soustrayant du total le coût des conséquences négatives des activités économiques, comme l’épuisement des ressources naturelles, la dégradation des écosystèmes et les coûts sociaux du chômage ». Une autre option serait l’indice « vivre mieux » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cet indice « regroupe 11 aspects du bien-être : le logement, le revenu, les emplois, la communauté, l’éducation, l’environnement, la gouvernance, la santé, la satisfaction face à la vie, la sécurité et la conciliation travail famille ». | ||
− | Dans tous les cas, ces indices refusent d’assimiler le développement d’un pays à sa croissance industrielle ou financière. Inspirés par l’approche des « capabilités » proposée par Sen et Nussbaum, ils montrent le rôle de l’éducation, de la santé, des libertés politiques et des droits sociaux dans le développement global d’une société. Une démarche de réduction du fossé entre les pays et les sociétés riches et pauvres doit sortir des limites de l’activité économique officielle et comprendre que la pauvreté matérielle n’exclut pas la richesse sur le plan de la culture et du lien social, par exemple. | + | Dans tous les cas, ces indices refusent d’assimiler le développement d’un pays à sa croissance industrielle ou financière. Inspirés par l’approche des « capabilités » proposée par Sen et Nussbaum, ils montrent le rôle de l’éducation, de la santé, des libertés politiques et des droits sociaux dans le développement global d’une société. Une démarche de réduction du fossé entre les pays et les sociétés riches et pauvres doit sortir des limites de l’activité économique officielle et comprendre que la pauvreté matérielle n’exclut pas la richesse sur le plan de la culture et du lien social, par exemple. |
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Version du 10 septembre 2013 à 14:48
Comment réduire le fossé politique, économique et social entre les pays les plus pauvres et les plus riches?
Sommaire
- 1 Mise en contexte
- 2 Les objectifs du Millénaire des Nations Unies
- 3 Exemples
- 4 Axes de réflexion
- 5 Pistes de solution
- 6 Transformer la gouvernance mondiale pour une meilleure protection du bien commun
- 7 Définir et préserver les biens communs de l'humanité
- 8 L'innovation économique et sociale
- 9 La paix
- 10 Références
- 11 Experts
Mise en contexte
Comme le déclare l’économiste Esther Duflo, « aujourd’hui, certains experts soutiennent que l’aide au développement peut faire disparaître la pauvreté, tandis que d’autres, plus sceptiques, répondent que l’aide apportée de l’extérieur par les pays occidentaux est vaine, car seule l’économie de marché peut éliminer la pauvreté ». D’autres experts estiment que c’est plutôt un rééquilibrage politique de la répartition mondiale des ressources et des biens communs qui est la solution, l’aide au développement étant une forme d’assistance néo-coloniale inefficace. Les sciences sociales, notamment l’économie, peuvent-elles éclairer les gouvernements et organismes internationaux sur les meilleurs moyens de réduire l’inacceptable fossé entre les pays les plus riches et les pays les plus pauvres?
Ce fossé, issu de la colonisation, n’est bien sûr pas un phénomène nouveau; mais le fait même qu’il perdure et semble continuer de s’aggraver, malgré les avancées scientifiques et sociales sur de nombreux plans, est grave. Les économistes de gauche, critiques du (néo)libéralisme économique, estiment que l’instauration des institutions financières internationales (FMI, Banque Mondiale) au lendemain de la Seconde guerre mondiale a fait croître cet écart, tout comme la mondialisation parfois sauvage des marchés, la financiarisation du capital et les dernières crises économiques. Comme l’affirme Jean-Christophe Graz, « la montée en puissance des mécanismes de marché et du rôle des acteurs privés a porté à bout de bras la globalisation financière et la financiarisation de l’économie pour déboucher sur une forme inédite de capitalisme actionnarial ou patrimonial ».
Alors que certains pays, notamment en Amérique du Sud, tentent de s’affranchir de leur dette internationale (Venezuela, Islande), d’autres, y compris en Europe, font aujourd’hui appel aux pays les plus riches pour tenter de sauver leurs finances publiques. La crise économique mondiale de 2008 n’a fait qu’accentuer le clivage entre les pays riches et pauvres, en plus de révéler de fortes inégalités à l’intérieur même de plusieurs pays, comme aux États-Unis ou au Canada. Seule une petite élite économique internationale semble avoir tiré profit du libéralisme économique dominant depuis deux à trois décennies. Est-ce que réduire le fossé entre pays pauvres et pays riches exigerait d’abandonner cette idéologie et de faire la « grande transition », proposée par Rio + 20, de l’économie actuelle, basée sur la surconsommation et la surexploitation des ressources, vers une nouvelle économie « durable » qui respecterait les limites des écosystèmes et assurerait prospérité économique et bien-être social ? Ou est-ce qu’il faut plutôt, dans ce contexte, se concentrer sur une transformation des formes institutionnelles d’aide au développement comme forme de transfert de richesses du Nord vers le Sud ?
Les objectifs du Millénaire des Nations Unies
La Campagne du Millénaire des Nations unies est une initiative inter-agences de l’ONU fondée sous l’impulsion de l’ancien Secrétaire général Kofi Annan. Elle intervient sur l’ensemble des continents afin d’assurer le suivi de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement visant à lutter contre la pauvreté et les inégalités Nord-Sud. En lien avec les acteurs de la société civile, elle entend rappeler les Etats à leurs engagements pris lors du Sommet du Millénaire en l’an 2000 au siège de l’ONU à New York. Elle mobilise chaque année, avec ses partenaires, près de 170 millions de citoyens de part le monde. La Campagne du Millénaire des Nations unies vient d’ouvrir son bureau en France. Les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ont été adoptés par l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement membres des Nations unies lors du Sommet du Millénaire à New York en 2000. Ils se sont ainsi fermement engagés à atteindre huit objectifs, avec pour date butoir 2015 :
- Objectif n°1 : Réduire l’extrême pauvreté et la faim
- Objectif n°2 : Assurer l’éducation primaire pour tous
- Objectif n°3 : Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes
- Objectif n°4 : Réduire la mortalité infantile
- Objectif n°5 : Améliorer la santé maternelle
- Objectif n°6 : Combattre le VIH/Sida, le paludisme et d’autres maladies
- Objectif n°7 : Préserver l’environnement
- Objectif n°8 : Mettre en place un partenariat mondial pour le développement
Exemples
La pauvreté et les femmes
En 1995, le Programme d'action adopté à Beijing, lors de la quatrième Conférence mondiale de l’ONU sur les femmes, a identifié l'élimination du fardeau persistant et grandissant de la pauvreté qui pèse sur les femmes comme un des 12 domaines critiques requérant une attention et une action particulières de la communauté internationale, des gouvernements et de la société civile.
En 2010, la Campagne du Millénaire des Nations unies estime que près de 70% des pauvres dans le monde sont toujours des femmes. Parmi le 1,4 milliard de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, les femmes continuent d’être les plus nombreuses à être exclues du marché du travail. Près de deux tiers des femmes qui travaillent ont un emploi précaire. Les femmes, qui constituent plus de 50 % de la population mondiale, ne possèdent qu’un pour cent de la richesse mondiale. L’accès des femmes aux emplois rémunérés et au secteur non agricole a légèrement augmenté : près de 40 % en 2006 contre 35% en 1990. La violence contre les femmes, un phénomène universel même si difficilement mesurable, appauvrit les femmes, tout comme les guerres et les catastrophes naturelles.
Il est clair qu’un recul de la pauvreté des femmes entrainerait une réduction du fossé entre les pays riches et les pays pauvres. Mais comment faire, alors que cette pauvreté des femmes continue de profiter à des acteurs économiques, notamment privés, qui leur paient de bas salaires et que les rapports sociaux de genre dans plusieurs pays nuisent aux efforts politiques d’amélioration des conditions de vie des femmes? Les recherches de plus en plus nombreuses sur les femmes, leurs conditions de vie et leur action politique peuvent contribuer à répondre à cette question.
La fracture numérique
L’un des problèmes des pays émergents est certainement l’accessibilité des communications électroniques, surtout à l’heure où l’explosion des médias sociaux est considérée comme un moteur important du développement économique, social et politique. Selon l’Agence mondiale de solidarité numérique, « l’accès universel et l’appropriation massive des TIC (technologies de l’information et de la communication) par les populations des pays les moins avancés du monde représente un enjeu majeur, car ces technologies constituent un formidable levier pour le développement. Moyens privilégiés d’expression et d’accès au savoir, ces technologies sont une chance extraordinaire pour la jeunesse de ces pays en quête de reconnaissance et en recherche des nouveaux emplois qualifiés de la mondialisation. Cependant, cette globalisation numérique n’est pas du tout homogène, ce qui accentue les déséquilibres déjà existants. Le fossé numérique nord-sud (80% des utilisateurs des TIC représente 20% de la population mondiale) pénalise fortement les pays les moins avancés et il fragilise leur entrée dans une économie de croissance stable et moderne. Il faut donc agir fortement pour combler ce fossé numérique en soutenant l’intégration progressive et structurelle des TIC dans l’économie et les différents modes d’organisation des pays les moins avancés. » Pour combler ce fossé important, l’agence suggère de « partager les retours d’expériences, mutualiser les ressources, favoriser les logiques de décloisonnement entre les différents acteurs (ONG, entreprises, universités, institutions, collectivités, etc.), organiser une concertation et une coordination pérennes entre ces acteurs, produire de l’intelligence collective, capitaliser et diffuser les données clés ». Pour réaliser ces objectifs, il faut néanmoins une volonté politique internationale, ainsi que « l’intervention de structures extérieures dont la vocation est d’assurer ces fonctions d’analyse, d’assemblage, de catalyse et de mise en cohérence». C’est ce que propose de faire l’agence.
Axes de réflexion
La légitimité des institutions financières internationales
Les institutions financières internationales (IFI) ont été créées à la fin de la Seconde guerre mondiale, en 1944, à la suite des accords de Bretton Woods. Elles visaient la reconstruction de l’Europe et la surveillance de la stabilité financière internationale. Si elles ont réussi leurs objectifs pendant quelques années, elles ont également contribué à endetter de nombreux pays en voie de développement au fil du temps et n’ont pas réussi à empêcher les grandes crises économiques, notamment celle de 2008.
Depuis quelques années, la légitimité des ces institutions est remise en question, notamment par rapport à la place qu’y occupent les puissances mondiales émergentes : le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, et depuis 2011, l’Afrique du sud : « Le FMI et la Banque mondiale doivent corriger leur déficit de légitimité. Réformer la structure de la gouvernance de ces institutions implique en tout premier lieu une distribution des droits de vote en faveur des économies de marché émergentes et des pays en développement pour mettre leur niveau de participation au processus de décision en accord avec leur poids relatif dans l’économie mondiale. […] Nous considérons aussi qu’il est nécessaire de recourir à une méthode de sélection des responsables du FMI et de la Banque mondiale ouverte et fondée sur le mérite, indépendamment de la nationalité [des candidats]. Au demeurant, le personnel de ces institutions doit mieux refléter la diversité de leur composition. La présence des pays en développement doit être tout particulièrement revalorisée ».
Mais à quelles conditions des institutions internationales remodelées se mettraient-elles véritablement au service de la lutte contre les inégalités nord-sud plutôt qu’à celui de la croissance économique des pays aux économies déjà solides ?
Au-delà du Produit intérieur brut
De nombreux intellectuels et activistes questionnent la prédominance de l’indicateur PIB pour calculer la pauvreté et la richesse des pays et des individus (PIB par habitant). Dans une entrevue accordée au journal le Monde 2009, Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998 et qui a toujours défendu, bien avant la crise mondiale, le « rôle de l’État contre la vague libérale », affirme qu’il faut développer d’autres outils que le PIB afin de guider les gouvernements dans leurs décisions politiques et économiques : «Le PIB est très limité. Utilisé seul, c'est un désastre. Les indicateurs de production ou de consommation de marchandises ne disent pas grand-chose de la liberté et du bien-être, qui dépendent de l'organisation de la société, de la distribution des revenus. Cela dit, aucun chiffre simple ne peut suffire. Nous aurons besoin de plusieurs indicateurs, parmi lesquels un PIB redéfini aura son rôle à jouer. »
Amartya Sen est à l’origine de l’Indice de développement humain (IDH), un indice statistique composite, créé par le PNUD en 1990 pour évaluer le niveau de développement humain des pays du monde, désormais utilisé par l’ONU. L'IDH se fonde sur trois critères majeurs : l'espérance de vie, le niveau d'éducation et le niveau de vie.
Le document de l’IRIS (Institut de recherches et d’interventions socio-économiques) intitulé : Mesurer le progrès social : vers des alternatives au PIB, évoque un autre concept, celui de l’indice de progrès véritable (IPV) qui consiste à « ajouter au PIB la valeur marchande de certaines activités non captées par le PIB mais qui contribuent tout de même au bien-être, telles le bénévolat et le travail domestique, et en soustrayant du total le coût des conséquences négatives des activités économiques, comme l’épuisement des ressources naturelles, la dégradation des écosystèmes et les coûts sociaux du chômage ». Une autre option serait l’indice « vivre mieux » de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cet indice « regroupe 11 aspects du bien-être : le logement, le revenu, les emplois, la communauté, l’éducation, l’environnement, la gouvernance, la santé, la satisfaction face à la vie, la sécurité et la conciliation travail famille ». Dans tous les cas, ces indices refusent d’assimiler le développement d’un pays à sa croissance industrielle ou financière. Inspirés par l’approche des « capabilités » proposée par Sen et Nussbaum, ils montrent le rôle de l’éducation, de la santé, des libertés politiques et des droits sociaux dans le développement global d’une société. Une démarche de réduction du fossé entre les pays et les sociétés riches et pauvres doit sortir des limites de l’activité économique officielle et comprendre que la pauvreté matérielle n’exclut pas la richesse sur le plan de la culture et du lien social, par exemple.
Pistes de solution
Toujours plus d'éducation pour les femmes
Extrait du document Tableau de suivi 2010 des Objectifs du Millénaire pour le Développement (ONU)
« L’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement dépend largement de la volonté de garantir l’égalité des chances pour les hommes et les femmes, les garçons et les filles. Des femmes plus éduquées voient s’ouvrir plus d’opportunités sur le marché du travail et dans les processus décisionnels à tous les niveaux, et c’est la communauté tout entière qui en bénéficie. L’autonomisation économique et politique des femmes est cruciale pour l’éradication de la pauvreté, la croissance économique et le développement durable, ainsi que pour le bien-être des ménages et des communautés. Lorsqu’elles possèdent et contrôlent les ressources ou ont un travail décent et productif, les femmes peuvent atteindre un meilleur niveau de vie, tant pour elles-mêmes que pour leur famille, et un meilleur niveau d’éducation et de santé pour leurs enfants – ce qui est vital pour mettre fin à la pauvreté et à l’exclusion.
Selon le forum international de l’économie sociale et solidaire, qui s’est tenu en 2011 à Montréal, « Les femmes sont au centre des projets économiques, sociaux et politiques et, en tant qu’actrices, elles contribuent à construire un projet de société à travers ce qu’elles initient quotidiennement. Historiquement, l’une des principales tâches des femmes a été de prendre soin de (to care). Dans le champ du social, elles ont développé des expertises particulières et précieuses qui contribuent à l’activité économique de la société. Ces expertises doivent devenir des outils leur permettant d’accéder à la sécurité et à l’autonomie financière et politique. L’économie sociale et solidaire pourrait être un vecteur pouvant y contribuer, si les conditions pour ce faire sont mises en place ».
Transformer la gouvernance mondiale pour une meilleure protection du bien commun
Au-delà de la volonté de modernisation des institutions financières internationales, il existe un courant d’idées, nourri par la société civile internationale et le mouvement altermondialiste, qui aspire à une nouvelle gouvernance internationale capable d’assujettir l’économie aux priorités sociales et politiques des pays. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, entré en vigueur à l’ONU en 1976, est un outil normatif relativement oublié, mais qui pourrait avantageusement être rappelé à la mémoire collective. Son article 2 pourrait aider bien des pays démunis à résister aux actions de certains acteurs privés qui, par exemple, achètent des terres vivrières et les transforment en cultures de rente : « Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance ».
Cette nouvelle gouvernance devrait inclure les pays les plus démunis, afin qu’ils puissent faire entendre leurs voix et faire valoir leurs priorités. Selon Amartya Sen, « il faut que les pays les plus pauvres soient représentés dans les instances de négociation. L'élargissement du G8 à vingt pays marque un vrai progrès. Les points de vue de la Chine, de l'Inde, de l'Afrique du Sud et de quelques autres pays émergents sont maintenant pris en compte. Mais il n'est pas suffisant de donner la parole à ceux qui ont le mieux réussi. Ils ne portent pas les préoccupations des plus pauvres. L'Afrique reste trop négligée. Le rôle de l'Assemblée générale des Nations unies doit être renforcé. C'est le seul lieu où, quel que soit son poids économique, un pays peut s'exprimer à égalité avec les autres ».
La société civile internationale et le mouvement altermondialiste doivent continuer à faire pression pour une démocratisation accrue et une plus grande transparence des processus de prise de décision à l’échelle mondiale, dans l’intérêt général.
Définir et préserver les biens communs de l'humanité
Il existe dans la société civile internationale un mouvement qui fait pression sur les gouvernements et institutions internationales afin que soient préservés les biens communs de l’humanité, c’est-à-dire les biens qui ne devraient jamais être limités par des « enclos » industriels ou des frontières politiques : les biens communs informationnels (logiciels et informations libres, médias coopératifs, science ouverte, culture libre, etc.), les biens communs physiques (eau, air, environnement, climat) et les biens publics sociaux (éducation, santé, …). La International Commons Conference organisée à Berlin par la fondation Heinrich Böll s’est fixé pour but de lancer une coalition autour des biens communs de toute nature. Ce mouvement à configuration variable influence des partis politiques et de nombreux débats publics, par exemple sur brevetabilité des logiciels ou des gènes.
L'innovation économique et sociale
Esther Duflo estime que les sciences sociales peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte contre la pauvreté : « plutôt que de se focaliser sur les recettes de la croissance, elles peuvent guider l’expérimentation dans des domaines tels que la santé ou l’éducation, terrains privilégiés de la lutte contre la pauvreté, en participant à l’élaboration de nouvelles solutions, et en les évaluant scientifiquement ». Il s’ensuit de véritables innovations sociales et économiques, adaptées au contexte où elles prennent forme, comme l’invention du micro-crédit par Mohammad Yunus, ou le budget participatif, imaginé à Porte Allegre, au Brésil, et maintenant utilisé dans de nombreux pays d’Afrique.
Les tontines, système collectif d’épargne et de crédit inventé en 17e siècle en Europe, est une alternative à l’économie de marché qui est très pratiquée par les femmes d’Afrique subsaharienne (y compris après leur émigration en Europe). Il s’agit d’un groupe de personnes qui décide de créer un pot commun où chacune versera la même somme d’argent régulièrement. Pour chaque tour de versement, un des participants est désigné pour être le bénéficiaire des fonds des autres participants. Ce tirage au sort rend accessible aux participants un prêt sans intérêt.
Le modèle coopératif québécois contribue aussi à créer des institutions bancaires socialement responsables dans le monde.
La paix
Dernière piste de solution, et non la moindre, la fin des guerres qui déchirent de nombreux pays du sud. Ces guerres sont la principale cause d’appauvrissement de pays dont les ressources sont pourtant abondantes – même si elles profitent aux pays du nord qui produisent et commercialisent de l’armement.
Références
Bibliographie
Duflo, Esther “Expérience, science et lutte contre la pauvreté”. Leçon inaugurale de la Chaire Savoirs contre pauvreté, Collège de France.
Desrosiers, Éric. “ Dangereuses inégalités. L’écart entre riches et pauvres continue à se creuser.” Le Devoir. 17 septembre 2011.
Badie, Bertrand et Vidal, Dominique (sous la direction de) L’État du monde 2012. Nouveaux acteurs, nouvelle donne. Édition La Découverte. 237 pages. Jaffrelot, Christophe. La diplomatie des pays émergents ou comment contrer l’Occident. Page 39. Graz, Jean-Christophe. La toute-puissance des acteurs privés dans l’ordre économique mondial.
Kempf, Hervé : Comment les riches détruisent la planète, Éditions du Seuil, Paris, 2007, 147 p.
Kempf, Hervé : Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, Éditions du Seuil, Paris, 2009, 151 p.
Le Monde Diplomatique : L’Atlas ; Un monde à l’envers. Hors-série. 2009. Paris. 194 pages. Pages 36 et 37 : « L’internationale des très riches ».
Badie, Bertrand et Vidal, Dominique (sous la direction de). L’État du monde 2011. La fin du monde unique. Édition La Découverte. 305 pages Taylor, Marcus et Soedreberg, Susanne. Business et aide international : à qui profite la charité?
ONU, Tableau de suivi 2010 des Objectifs du Millénaire pour le Développement http://mdgs.un.org/unsd/mdg/Home.aspx
Ziegler, Jean : Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent, Fayard, Paris, 2002, 363 p.
Ziegler, Jean : Destruction massive, Éditions du Seuil, Paris, 2011, 344 p.
Références web
Agence mondiale de solidarité numérique http://www.agencesolidaritenumerique.org/notre-cause/fracture-num%C3%A9rique/
Conseil économique, environnemental et social http://www.lecese.fr/
Institut de recherche et d’informations socio-économiques http://www.iris-recherche.qc.ca/
Caramel, Laurence et Allix, Grégoire (propose recueillis par). Le Monde. 15 juin 2009. Amartya Sen : «Nous devons repenser la notion de progrès. » http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/06/08/amartya-sen-nous-devons-repenser-la-notion-de-progres_1204007_3244.html
Conference Board of Canada Note de conjuncture canadienne : Résumé Printemps 2012 http://www.conferenceboard.ca/e-Library/abstract.aspx?did=4819
Observatoire des inégalités http://www.inegalites.fr/
Jeancourt-Galignani, Oriane. Le Point.fr. 29 novembre 2011. Martha Nussbaum : « Socrate, reviens! » http://www.lepoint.fr/grands-entretiens/martha-nussbaum-socrate-reviens-29-11-2011-1401785_326.php
Martha Craven Naussbaum. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Martha_Craven_Nussbaum
Agora Vox, le média citoyen. Les Tontines en Afrique : ancêtres du micro-crédit. http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/les-tontines-en-afrique-ancetres-34275
Site internet de la Caisse d’économie solidaire. http://www.caissesolidaire.coop/
Statistiques des Nations Unies sur les femmes http://unstats.un.org/unsd/demographic/products/Worldswomen/wwVaw2010.htm
Philippe Aigrin Coalition pour les communs http://paigrain.debatpublic.net/?page_id=57
Experts
Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) couturier@iris-recherche.qc.ca 514-984-9366
Sylvie Morel, professeure titulaire au département des relations industrielles, Université Laval Téléphone : 418 656-2131, poste 2477 Courriel : Sylvie.Morel@rlt.ulaval.ca
John Cockburn, professeur associé au département d’économique de l’Université Laval Téléphone : 418 656-2131 poste 2756 Courriel : john.cockburn@ecn.ulaval.ca
Raphaël Canet, Alternatives, Université d’Ottawa raphael.canet@gmail.com
Esther Duflo, économiste, enseignante au département d’économie du MIT Téléphone : 617-253-6915 Courriel : eduflo@mit.edu
Paul Jorion, Docteur en Sciences sociales et enseignant Courriel : jorion@atlantico.fr
MOT-CLÉS : CROISSANCE ÉCONOMIQUE, PIB, FMI, BANQUE MONDIALE, INFLATION, PAUVRETÉ, FEMMES, DÉVELOPPEMENT HUMAIN